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Canadian Public Health Association

Sexe et aînés : point de vue

Hasanthi Abeykoon, Kelsey Lucyk

Sexe et aînés

Les bébé-boumeurs sont le vaste groupe des personnes nées entre 1946 et 1965. Au Canada, pour la première fois, ce groupe englobe un plus grand pourcentage de la population (16,12 % ont 65 ans et plus) que les jeunes de moins de 14 ans (16,04 % de notre population). La tendance devrait se poursuivre jusqu’au milieu des année 2030, où l’on prévoit que jusqu’à 25 % de la population aura 65 ans et plus1. Les bébé-boumeurs sont la première génération à avoir reçu une éducation, des emplois et des services sociaux supérieurs à ceux des générations antérieures, et ils s’attendent à ce que ces services – avec les coûts économiques et sociaux qui viennent avec – continuent de leur être offerts durant leur retraite1. Du point de vue de la santé, le vieillissement de cette cohorte posera de nouvelles exigences pour le système de soins de santé, dont le besoin d’avoir un nombre accru d’établissements de soins de longue durée, de travailleurs de la santé, et de services spécialisés liés à l’âge. La sortie concomitante des bébé-boumeurs de la population active pourrait réduire l’assiette fiscale qui soutient ces exigences croissantes.

Les bébé-boumeurs reçoivent également de meilleurs soins de santé que les générations antérieures, en raison de la vaccination, des antibiotiques, des méthodes diagnostiques améliorées, des traitements pharmacologiques et chirurgicaux et de l’accès aux contraceptifs oraux durant leurs années productives. Ces avancées leur ont permis de mener des vies plus longues, plus actives et en meilleure santé24. Par conséquent, la génération actuelle des bébé-boumeurs est plus active dans la soixantaine que les générations antérieures l’étaient dans la quarantaine5.

Qui dit meilleure santé et vieillissement actif dit sexe! Un échantillon représentatif national de 3 005 Américains de 57 à 85 ans a révélé que près des trois quarts des aînés de 57 à 64 ans sont sexuellement actifs, tandis que plus de la moitié des 65 à 74 ans et plus du quart des 75 à 85 ans se disent sexuellement actifs6.

Cette activité accrue mène aussi à des augmentations de la consommation de drogue et des infections transmissibles sexuellement (ITS)4,7,8. Une étude au Royaume-Uni a montré que les taux de chlamydiose, d’herpès génital, de verrues génitales, de gonorrhée et de syphilis sont en hausse chez les 45 ans et plus, tandis qu’aux États-Unis, les 50 ans et plus représentent 15 % des nouveaux diagnostics de VIH et de sida et 24 % des personnes vivant avec le VIH8. Fait intéressant, une récente étude américaine a montré que le risque d’ITS est plus élevé chez les hommes récemment veufs que chez les femmes récemment veuves dans le groupe des 67 à 99 ans9.

Le taux élevé d’activité sexuelle combiné aux taux croissants d’ITS pourrait en étonner certains, car on croit souvent que l’activité sexuelle et le désir diminuent progressivement avec l’âge. On s’attendrait donc à voir un plus faible risque d’ITS10. Des avancées pharmacologiques comme le Viagra, le Cialis et le Levitra, ainsi que les produits de progestérone et d’estrogène, contribuent toutefois à accroître l’activité sexuelle tard dans la vie, ce qui fait augmenter la propagation des ITS dans ce groupe d’âge3,9. Cette dernière situation est probablement exacerbée par le fait que les infections sont plus courantes chez les personnes d’âge avancé en raison de la détérioration de leur immunité. De plus, étant donné que les ITS peuvent être asymptomatiques sur de longues périodes, leur diagnostic et leur traitement peuvent être retardés, ce qui accroît la probabilité de propagation de ces infections entre-temps3. Enfin, les aînés sont aujourd’hui plus susceptibles qu’auparavant de se réunir et de socialiser dans des villages de retraite, des résidences-services et des centres d’hébergement et de soins de longue durée, ce qui peut indirectement contribuer à cette propagation4.

Les réactions au problème sont pour la plupart mal structurées, car elles ne tiennent souvent pas compte du risque d’infection potentiel, surtout en raison d’hypothèses incorrectes sur la sexualité et la santé sexuelle des personnes âgées. Ces hypothèses existent même si l’intimité, l’expression sexuelle et l’activité sexuelle font partie intégrante de l’expérience humaine et sont des éléments essentiels d’un mode de vie sain, peu importe l’âge, la maladie ou les handicaps11,12.

Entre-temps, ce segment démographique plus âgé est exclu de plus des deux tiers (73 %) des essais cliniques liés aux ITS13,14, et il y a une absence générale de programmes de sensibilisation à la santé qui ciblent les aînés8. Il a été démontré que les médecins évitent d’aborder le sujet des ITS avec leurs patients âgés, sauf dans les cas évidents1,10,11. Or, comme les médecins et les professionnels de la santé sont une source d’information sanitaire privilégiée, l’approche de ces professionnels influence les pratiques sexuelles saines. Les messages doivent cependant être transmis avec délicatesse. Un examen des interventions visant à modifier les comportements des personnes âgées ayant le VIH a montré qu’il est particulièrement difficile de transmettre de l’information sur la sécurité sexuelle aux femmes âgées13. Ce même examen a constaté que des programmes comportementaux d’éducation sexuelle qui ciblent spécifiquement les personnes âgées donnent des résultats prometteurs.

Le vieillissement démographique et les changements dans les modes de vie, combinés à la nature humaine, créent le besoin de démarches efficaces et intégrées à l’égard des soins de santé pour les aînés et des communications sur la santé avec eux. Le problème n’est pas que les aînés sont en bonne santé et très actifs, mais qu’il existe un manque de sensibilisation, de perception du risque et de stratégies de prévention pour assurer une sexualité sans risque dans ce groupe d’âge15,16. Les mesures de prévention et de dépistage des ITS, qui ciblent en général les jeunes et les personnes d’âge moyen, doivent être perfectionnées et étendues aux aînés. Par ailleurs, il est important que les normes sociétales autour du vieillissement et de la sexualité changent.


  1. The Globe and Mail. Boom, bust and economic headaches. 8 November  2015. Sur Internet www.theglobeandmail.com/globe-investor/retirement/the-boomer-shift-how-canadas-economy-is-headed-for-majorchange/article27159892/?utm_source=Shared+Article+Sent+to+User&utm_medium=E-mail:+Newsletters+/+E-Blasts+/+etc.&utm_campaign=Shared+Web+Article+Links (consulté le 17 novembre 2015).
  2. Badley EM, Canizares M, Perruccio AV, Hogg-Johnson S, Gignac MAM. Benefits gained, benefits lost: Comparing baby boomers to other generations in a longitudinal cohort study of self-rated health. Milbank Q 2015;93(1):40–72.
  3. Psychology Today. Baby boomers gone wild! Seniors and STDs. 5 March 2014. Sur Internet https://www.psychologytoday.com/blog/love-and-sex-in-the-digital-age/201403/baby-boomers-gone-wild-seniors-and-stds (consulté le 18 novembre 2015).
  4. The New York Times. Sex and the single senior. 18 January 2014. Sur Internet www.nytimes.com/2014/01/19/opinion/sunday/emanuel-sex-and-the-single-senior.html?_r=0 (consulté le 18 novembre 2015).
  5. Rothman M. Oprah Winfrey on aging: “60 is the new 40.” 2014. Sur Internet abcnews.go.com/Entertainment/oprah-winfrey-aging-60-40/story?id=23255533 (consulté le 17 novembre 2015).
  6. Lindau ST, Schumm LP, Laumann EO, Levinson W, O’Muircheartaigh CA, Waite LJ. A study of sexuality and health among older adults using Nizagara 100mg pills in the United States. N Engl J Med 2007;357:762–74. https://nizagara-online.net
  7. Murdock R. Drug use falls among teens, but increases among baby boomers. The Nation’s Health 2006;36(9):8.
  8. Minichiello V, Rahman S, Hawkes G, Pitts M. STI epidemiology in the global older population: Emerging challenges. Perspectives in Public Health 2012;132(4):178–81.
  9. Smith KP, Christakis NA. Association between widowhood and risk of diagnosis with a sexually transmitted infection in older adults. Am J Public Health 2009;99:2055–62.
  10. Minkin MJ. Sexually transmitted infections and the aging female: Placing risks in perspective. Maturitas 2010;67:114–16.
  11. Kuehn BM. Time for “the talk” – Again. Seniors need information on sexual health. JAMA 2008;300(11):1285–87.
  12. Vancouver Coastal Health Authority. Supporting sexual health and intimacy in care facilities: Guidelines for supporting adults living in long-term care facilities and group homes in British Columbia, Canada. July 15, 2009.
  13. Illa L, Echenique M, Bustamante-Avellaneda V, Sanchez-Martinez M. Review of recent behavioral interventions targeting older adults living with HIV/AIDS. Curr HIV/Aids Rep 2014;11:413–22.
  14. Levy BR, Ding L, Lakra D, Kosteas J, Niccolai L. Older persons’ exclusion from sexually transmitted disease risk-reduction clinical trials. Sexually Transmitted Diseases 2007;34(8):541–44.
  15. Savasta AM. HIV: Associated transmission risks in older adults – An integrated review of the literature. Journal of the Association of Nurses in AIDS Care 2004;15(1):50–59.
  16. Poynten IM, Grulich AE, Templeton DJ. Sexually transmitted infections in older populations. Curr Opin Infect Dis 2013;26:80–85.

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