Projet de loi 7 : Une menace pour la santé des Québécois·es
La « fusion » proposée de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) va à l’encontre de l’engagement déclaré du gouvernement du Québec de renforcer la prévention des maladies et la santé des populations. À un moment où la confiance du public envers les institutions est fragile et où le leadership indépendant en santé publique n’a jamais été aussi essentiel, réduire la visibilité et la cohérence de l’infrastructure de santé publique du Québec affaiblirait — plutôt que de renforcer — la capacité de la province à protéger sa population.
Les systèmes de santé publique partout au Canada traversent une période d’incertitude profonde, marquée par une baisse de confiance envers les institutions, une montée du scepticisme envers l’expertise scientifique et une érosion post-pandémique du soutien aux mesures de santé publique établies de longue date, y compris les programmes de vaccination de routine. La résurgence de la rougeole et la perte du statut d’élimination au Canada illustrent les conséquences d’une confiance affaiblie et d’un investissement insuffisant dans la prévention. Parallèlement, l’instabilité qui secoue les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) aux États-Unis — longtemps considérés comme une référence mondiale en santé publique — démontre à quelle vitesse l’instabilité institutionnelle peut miner la confiance du public et compromettre la sécurité sanitaire nationale et internationale. La propagation de récits coordonnés anti-science et de campagnes politisées qui sapent l’autorité de la santé publique accentue encore davantage la méfiance, politise la prise de décision et complique les efforts pour protéger la santé de la population. Dans un tel contexte, la santé publique doit pouvoir compter sur une indépendance, une visibilité et une stabilité accrues afin de contrer la désinformation, rétablir la confiance et démontrer la valeur d’une action fondée sur les données probantes.
Dans ce contexte élargi, toute réforme structurelle susceptible de diluer ou d’obscurcir le mandat de santé publique — comme la « fusion » proposée — exige un examen rigoureux. La santé publique repose sur une expertise scientifique solide et indépendante, une capacité de surveillance et de laboratoire robuste, des liens étroits avec les milieux de recherche et de formation, ainsi qu’une capacité à fournir des conseils éclairés et opportuns à l’abri des pressions opérationnelles à court terme. Ces fonctions sont essentielles à la prévention, à l’équité en santé et au bien-être à long terme de la population.
Les préoccupations soulevées au Québec rejoignent la perspective nationale plus large de l’ACSP :
- La nécessité de préserver un mandat de santé publique distinct et visible. Lorsque les fonctions de santé publique sont intégrées à des structures cliniques ou administratives plus larges, elles peuvent devenir moins visibles et moins protégées, particulièrement lorsqu’elles se retrouvent en concurrence avec les pressions des soins aigus.
- L’importance de maintenir un continuum intégré de surveillance, de science de laboratoire, de recherche et de formation. La séparation de ces fonctions peut compromettre l’agilité et la cohérence nécessaires pour détecter les menaces émergentes, interpréter des données critiques et traduire les données probantes en interventions efficaces.
- La nécessité de ressources stables et dédiées ainsi qu’une reddition de comptes transparente. La santé publique doit pouvoir compter sur un financement prévisible et sur des mécanismes de reddition de comptes clairs — particulièrement alors que les administrations partout au pays cherchent à renforcer la prévention et la santé des populations.
- L’impératif d’une indépendance scientifique pleine et entière. Les institutions de santé publique fortes et crédibles doivent pouvoir produire et diffuser des données probantes et des avis à l’abri de toute influence politique ou opérationnelle, soutenues par des structures de gouvernance qui protègent cette autonomie.
Ces principes sont cohérents avec l’engagement de longue date de l’ACSP à renforcer les systèmes de santé publique à l’échelle du pays. Quel que soit le modèle administratif choisi par une province ou un territoire, chaque administration doit s’assurer que la santé publique maintient l’indépendance, l’expertise et la capacité nécessaires pour protéger la santé de la population et soutenir la prévention à long terme.
L’ACSP se joint à l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) pour s’opposer à la « fusion » proposée de l’INSPQ et de l’INESSS.