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Canadian Public Health Association

La récréation

La récréation a toujours été un pilier de la journée scolaire, car elle est pour l’enfant une occasion essentielle de jouer avec ses pairs dans les limites de la cour d’école1. Elle est d’abord et avant tout une activité sociale2. La récréation est définie comme étant une pause prévue à l’horaire de l’école primaire pour l’activité physique et le jeu libres3. Selon les experts, elle constitue un élément nécessaire de la journée scolaire et ne devrait pas être supprimée par mesure punitive ou pour que les enfants étudient4. L’American Academy of Pediatrics recommande que la récréation complète l’éducation physique, et non qu’elle la remplace5. Malgré cette recommandation, le débat sur la disparition apparente de la récréation se poursuit en Amérique du Nord6; une étude sur la récréation du point de vue des enfants a recensé des problèmes liés aux conflits sociaux, au manque d’activités, au manque d’équipement et à la supervision minime2.

La récréation : un besoin

Les enfants passent au moins 30 heures par semaine à l’école; ils ont donc besoin de nombreuses périodes de récréation pour obtenir leur dose quotidienne de jeu. Le jeu durant la récréation contribue à l’activité physique des enfants, leur accorde un répit entre les travaux scolaires et leur donne l’occasion d’améliorer leurs habiletés sociales4. Malgré ces bienfaits, l’insistance croissante sur les résultats scolaires allonge le temps passé en classe, ce qui relègue la récréation à un rôle accessoire dans de nombreuses administrations7. C’est un phénomène troublant, car éliminer la récréation peut avoir l’effet opposé8. Il est prouvé que le temps consacré à la récréation améliore les notes et les résultats aux tests normalisés, les indicateurs d’habiletés cognitives (l’attention, la concentration et la mémoire) et les comportements scolaires comme l’attention et la capacité de se concentrer sur une tâche9. Même 15 minutes de récréation par jour peuvent améliorer les comportements en classe10 et l’empathie envers les pairs11. Des entretiens avec des élèves du primaire révèlent que les classes d’éducation physique ne leur offrent pas la possibilité d’organiser leurs propres jeux et de choisir leurs groupes de pairs1. La récréation est l’un des rares moments où les enfants peuvent interagir avec leurs pairs à leur façon12, car l’instruction en classe est souvent axée sur l’apprentissage individuel, et le jeu libre après l’école diminue.

Malgré l’importance du jeu à la récréation, il existe des barrières. Le harcèlement (le vol de matériel, le vandalisme et le harcèlement par les pairs liée au sexe ou au poids) est négativement corrélé au jeu actif13, empêche les enfants de jouer et peut contribuer à des expériences négatives1. Il peut alourdir le fardeau des enseignants, obligés de passer du temps à composer avec les incidents de cette nature. De même, un questionnaire administré aux élèves de la 4e à la 8e année a fait état d’un taux alarmant de victimisation verbale et physique et d’isolement durant la récréation14. Il est toutefois possible de remédier à de telles situations en appliquant des programmes qui favorisent l’appartenance, ce qui en retour fait augmenter les niveaux d’activité et la participation, le sens des responsabilités et l’empathie, l’inclusion et l’ouverture aux autres, les interactions positives et les amitiés15. (On trouvera dans la section des pratiques prometteuses au Canada de la trousse une liste de projets liés au jeu qui s’articulent autour de la récréation.)

Les enseignants ou les directeurs d’école qui suppriment la récréation par mesure punitive créent une autre barrière. C’est une tactique contre-productive, car sans le jeu extérieur, les enfants ratent des occasions d’apprentissage social et émotionnel, comme d’acquérir la capacité de contrôler leur agressivité et de réguler leurs sentiments de colère et de frustration1. Il est aussi démontré que les pratiques qui consistent à interdire, limiter ou restreindre la récréation touchent démesurément les enfants marginalisés6. Selon une étude menée aux États-Unis, seulement 56 % d’un groupe test d’enfants vivant dans des ménages aux revenus inférieurs ou égaux au seuil de pauvreté avaient accès à la récréation, contre 83 % des enfants des ménages au-dessus du seuil de pauvreté16. La même étude a montré que les enfants afro-américains sont moins nombreux à avoir accès à la récréation que les enfants d’autres origines ethniques.

Au Canada, plus de 80 % des écoles ont une ou plusieurs politiques sur l’activité, laquelle comprend la récréation17. Cependant, l’interdiction des balles dures dans les cours d’école18 et les règles proscrivant tout contact physique19, y compris les jeux comme la tague, montrent que nous ne sommes pas à l’abri des politiques qui limitent les possibilités pour les enfants de jouer librement.

Les conditions météorologiques

On sait que le temps froid dissuade le jeu extérieur chez les enfants20, d’autant plus qu’il est difficile de s’assurer qu’ils sont convenablement habillés pour les températures glaciales. Selon les informations d’Environnement Canada, les températures ressenties de -28 °C à -39 °C posent un risque élevé de gelure et d’hypothermie, et la peau exposée peut geler en 10 à 30 minutes21. Ce motif de préoccupation se reflète dans les politiques des conseils et commissions scolaires qui empêchent les enfants de jouer en plein air pour éviter les préjudices possibles de l’exposition aux intempéries. En Ontario, de nombreux conseils scolaires recommandent de raccourcir la récréation ou de garder les enfants à l’intérieur si les températures tombent sous -20 °C à -28 °C22-24. Des politiques semblables sont en vigueur ailleurs au pays, comme à Saskatoon25 et à Winnipeg26, où les enfants sont gardés à l’intérieur lorsqu’il fait -27 °C et -28 °C, respectivement. À Terre-Neuve-et-Labrador les enfants peuvent rester à la maison quand les températures sont en-deçà de -45 °C à -55 °C (selon l’âge des élèves)27, mais l’accès à la récréation varie d’une école à l’autre. Il existe peu de preuves empiriques sur l’incidence des cycles saisonniers sur le jeu extérieur à la récréation, mais on sait que les enfants sont moins actifs durant les mois d’hiver et par mauvais temps28.

L’équipement de terrains de jeu et les pièces détachées

L’équipement de terrains de jeu facilite le jeu extérieur, et il existe des preuves à l’appui de la notion voulant que les pièces détachées et amovibles et la variété des structures de jeu maintiennent l’intérêt des enfants11. Il ne faut pas minimiser l’importance d’offrir de l’équipement de terrains de jeu et des installations sportives bien entretenus, car ils sont associés au jeu actif chez les enfants plus âgés; soulignons toutefois l’importance d’offrir aux enfants des ressources variées adaptées à leur âge et à leur stade de développement29. Les enfants sont plus longtemps intéressés à jouer sur les terrains de jeu qui comportent des pièces détachées. De même, les enfants dans les parcs de jeu comportant des pièces détachées sont plus actifs et plus susceptibles d’interagir avec leurs pairs que les enfants sur les terrains de jeu classiques dotés d’équipements fixes30.

Résumé

Les stratégies pour accroître le jeu extérieur sont nécessaires, mais elles doivent s’appuyer sur des politiques qui font valoir les bienfaits physiques, scolaires et sociaux de la récréation. Quand on prolonge les récréations, plus d’enfants s’intéressent au jeu, et le jeu se déroule plus vigoureusement1. Les politiques qui portent atteinte aux droits des enfants de jouer sont l’excès de supervision, la multiplication des règles de sécurité et le manque d’équipements et d’espaces de jeu diversifiés28. Des entretiens avec des enfants ont indiqué l’importance de la supervision par le personnel enseignant, mais une supervision insuffisante ou excessive peut dissuader le jeu actif, tout comme les règles de sécurité trop strictes qui interdisent aux enfants de courir ou d’utiliser les équipements28. Les politiques sur la récréation devraient être abordées selon une approche équilibrée qui tient compte à la fois de la sécurité et des bienfaits du jeu extérieur.


Notes bibliographiques

  1. Jarrett, O.S. A Research-Based Case for Recess, publié en ligne par US Play Coalition, 2013.
  2. McNamara, L. « What’s getting in the way of play? An analysis of the contextual factors that hinder recess in elementary school », Canadian Journal of Action Research, vol. 14, no 2 (2013), p. 3-21.
  3. Centers for Disease Control and Prevention [CDC]. « Promoting better health for young people through physical activity and sports; 2000. Appendix 7  ».
  4. Murray, R., et coll. « The crucial role of recess in school », Pediatrics, vol. 131, n° 1 (2013), p. 183–188.
  5. Hatfield, D.P., et V.R. Chomitz. « Increasing children’s physical activity during the school day », Current Obesity Reports, vol. 4, n° 2 (2015), p. 147-156.
  6. Wong, Alia. « Why kids need recess », The Atlantic.
  7. Deruy, E. « Learning through play », The Atlantic, 2016.
  8. Burris et Burris. « Outdoor play and learning », International Journal of Education Policy and Leadership (2011).
  9. Center for Disease Control [CDC]. Executive Summary of The Association between School-Based Physical Activity, Including Physical Education, and Academic Performance, 2010.
  10. Barros, R.M., E.J. Silver, et R.E. Stein. « School recess and group classroom behavior », Pediatrics, vol. 123, n° 2 (2009), p. 431-6.
  11. Texas Christian University LiiNK Project End of Year report 2015-16, 2018.
  12. Pellegrini, A.D. « The research debate: A disjuncture between educational policy and scientific research », American Journal of Play, vol. 1, n° 2 (2008), p. 181-191.
  13. Hyndman, B., A. Benson et A. Teleford. « Active play: exploring the influences on children’s school playground activities », American Journal of Play, vol. 8, n° 3 (2016), p. 325-344.
  14. McNamara, L., K. Lodewyk et N. Franklin. « Recess in elementary school: a study of belonging, affect and victimization on the playground », Children and Schools, vol. 40, no 2 (2018), p. 114-121.
  15. McNamara, L., E. Vantaaja, A. Dunseith et N. Franklin. « Tales from the playground: transforming the context of recess through participatory action research », International Journal of Play, vol. 4, no 1 (2014), p. 49-68.
  16. Roth, J., et coll. « What happens during the school day?: Time diaries from a national sample of elementary school teachers », Teachers Collage Record, vol. 105, n° 3 (2003), p. 217-343.
  17. Barnes, J. Les enfants canadiens sont-ils trop fatigués pour bouger? Le Bulletin de l’activité physique chez les jeunes de ParticipACTION, 2016, p. 1-76.
  18. The Canadian Press. « Toronto school bans hard balls », CBC, 2011.
  19. « New no-touch policy introduced at B.C elementary school », CTV News, 2013.
  20. « How cold is too cold for recess? », The Star, 2011.
  21. Environnement et Changement climatique Canada. Refroidissement éolien – Un fait qui donne le frisson, 2017.
  22. Halton Catholic District School Board. Administrative Procedure, 2014.
  23. Ottawa Carleton District School Board. Extreme Weather Conditions-School Protocol.
  24. Ryerson Community School. Weather Guidelines.
  25. Saskatoon Public Schools. Severe Weather, s.d.
  26. Winnipeg School Division. Frequently Asked Questions, s.d.
  27. « What’s too cool for school? NLTA wants one temperature for winter school closings », CBC News, 2015.
  28. Tucker P., et J. Gilliland. « The effect of season and weather on physical activity: a systematic review », Public Health, vol. 121, n° 12 (2007), p. 909-922. DOI : 10.1016/j.puhe.2007.04.009.
  29. Hyndman, B., et coll. « Moving physical activity beyond the school classroom: a social-ecological insight for teachers of the facilitators and barriers to students’ non-curricular physical activity », Australian Journal of Teacher Education, vol. 37, n° 2 (2012), p. 1-24.
  30. Brussoni, M., et coll. « What is the relationship between risky outdoor play and health in children? A systematic review », International Journal of Environmental Research and Public Health, vol. 12 (2015).

Date de modification : 11 avril 2019