Priorités en matière de climat et de politiques de santé au Canada – 2024
Ce document présente un aperçu de certains domaines prioritaires pour le Canada établis selon des données probantes tirées du Rapport 2024 du Lancet Countdown.
UN INVESTISSEMENT URGENT DANS DES SYSTÈMES DE SANTÉ RÉSILIENTS ET ADAPTABLES
Mettre sur pied un mécanisme public de suivi des progrès en vue de l’objectif de 2030 de la Stratégie nationale d’adaptation de rendre tous les systèmes de santé canadiens plus résilients au climat, à la lumière d’évaluations des vulnérabilités et de l’adaptabilité. Accorder davantage de soutien technique et de financement, selon les besoins, pour assurer l’atteinte de cet objectif, qui bénéficierait aussi de l’établissement d’un secrétariat des soins de santé durables dans chaque province et territoire.
Accroître le financement fédéral consacré à la mise en place et au suivi des efforts d’adaptation menés au sein des communautés afin de relever les défis en matière de santé liés à l’aggravation des épisodes météorologiques extrêmes, dans un souci d’équité.
Les conséquences pour la santé des épisodes météorologiques extrêmes exacerbés par les changements climatiques touchent de façon disproportionnée les gens vulnérables les moins susceptibles de pouvoir s’y adapter. Il ressort d’une comparaison des données météorologiques canadiennes de 1965 à 2005 à celles de 2014 à 2023 que le nombre total annuel de jours de canicule comptabilisés a augmenté de 23 % pour les enfants âgés de moins d’un an et de 110 % pour les adultes de plus de 65 ans (indicateur 1.1.1). Les températures élevées peuvent contribuer à la dégradation des résultats en matière de santé, surtout chez les populations à risque. On a recensé plus de 600 décès évitables lors de l’épisode de dôme de chaleur de l’été 2021 en Colombie-Britannique. La majorité des victimes étaient des Canadiennes et Canadiens désavantagés par des obstacles systémiques1.
La multiplication et l’intensification des épisodes météorologiques ont pour effet d’accroître la pression sur les infrastructures, les chaînes d’approvisionnement et les capacités des systèmes de santé, dont le personnel peine à s’occuper adéquatement de la patientèle2,3. Or, les risques liés aux conditions extrêmes pour nos systèmes de santé ne font l’objet d’aucune mesure d’évaluation ou de suivi.
Un plan d’action visant la résilience au climat des systèmes de santé et des collectivités a bel et bien été établi dans le cadre de la Stratégie nationale d’adaptation (SNA) de 2023, mais les progrès relativement aux cibles fixées sont peu documentés4. En dépit des risques croissants (indicateurs 1.2.1 et 1.2.2), le gouvernement a consacré environ 6,5 G$ seulement à l’adaptation ces huit dernières années5. Ce financement est fragmentaire et insuffisant. Nous avons besoin de plus d’infrastructures et de personnel pour répondre aux besoins actuels et futurs en matière d’adaptation4.
Compte tenu des répercussions disproportionnées des dangers climatiques pour les populations vulnérables, le défaut d’atteindre les cibles en temps voulu reviendrait à refuser de prendre des mesures politiques fondées sur l’équité6. Il faut mettre l’accent sur le savoir et la résilience autochtones, la coopération intergouvernementale, l’investissement axé sur l’équité et les interventions ciblant les personnes et les collectivités les plus vulnérables sur le plan structurel.
DES PROFESSIONNELLES ET PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ À LA DÉFENSE DE L’ACTION CLIMATIQUE
Financer et soutenir l’accélération de la transformation des programmes d’études des facultés de soins des universités canadiennes et de la formation continue en santé. S’assurer que les professionnelles et professionnels de la santé communiquent efficacement de l’information fondée sur des données probantes concernant les liens entre les changements climatiques et la santé dans les hitaux, au sein des communautés et auprès des décisionnaires, et lutter activement contre la mésinformation sur les combustibles fossiles.
Santé Canada et d’autres organisations nationales financent des initiatives de changement des programmes d’études. En 2022, l’Association des facultés de médecine du Canada (AFMC) a publié une déclaration sur la santé planétaire demandant que des formations et des recherches soient menées immédiatement dans des institutions universitaires en santé7,8. Les expertes et experts en santé sont mal informés, et des occasions de promouvoir et d’optimiser la santé planétaire grâce à des politiques publiques sont manquées9.
Il incombe aux professionnelles et professionnels de la santé de comprendre et de communiquer l’information fondée sur des données probantes concernant les méfaits des combustibles fossiles sur la santé, mais leur formation sur les liens entre la santé, les changements climatiques, la pollution et le déclin de la biodiversité est inadéquate. Le Canada entretient d’ailleurs sa dépendance envers les combustibles fossiles : seulement 1,3 % de son approvisionnement énergétique provenait de sources renouvelables en 2022 (indicateur 3.1.1).
Dans la foulée de l’adoption du projet de loi C-59, qui contient d’importantes mesures anti-écoblanchiment, de nombreuses organisations associées au secteur des combustibles fossiles ont pour ainsi dire purgé leur site Web10. Une partie importante des renseignements fournis par ce secteur ne satisfait d’ailleurs pas aux normes en vigueur, ce qui n’est souvent pas contesté, les professionnelles et professionnels de la santé étant mal informés sur le sujet.
Santé Canada et d’autres bailleurs de fonds gouvernementaux, universitaires et non gouvernementaux devraient appuyer financièrement le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, l’AFMC et d’autres organisations canadiennes qui conçoivent des programmes d’études et chapeautent leur mise en œuvre dans le cadre de leurs efforts pour accroître la production de documents de formation fondés sur des données probantes, afin d’aider les effectifs de la santé à mieux communiquer les dangers pour la santé des combustibles fossiles dans les hôpitaux, au sein des communautés et auprès des décisionnaires.
POUR UNE ALIMENTATION PLUS SAINE ET UNE PLANÈTE PLUS EN SANTÉ
Tirer parti du pouvoir d’achat des systèmes de santé pour propulser la transition vers une alimentation durable et riche en végétaux favorisant la sécurité alimentaire et des économies de l’alimentation locales plus durables au Canada.
En 2021, les secteurs des viandes rouges et des produits laitiers étaient responsables de 69 % des émissions liées à la consommation au Canada (indicateur 3.3.1). Cette année-là, 14 000 décès ont été associés à la consommation de viandes rouges et de produits laitiers, soit 22 % des décès liés à l’alimentation (indicateur 3.3.2).
Selon une étude d’un hôpital du Québec, le secteur des viandes rouges, qui représentent 3 % seulement des aliments consommés, est responsable du tiers des émissions de la province11. Les données canadiennes montrent pourtant les vertus protectrices d’une alimentation à base de plantes et de légumineuses pour les personnes hospitalisées12. Les hôpitaux canadiens consacrent plus de 4 G$ par année aux services alimentaires. En modifiant leurs pratiques pour offrir davantage d’aliments locaux à base végétale, qui respectent les recommandations du Guide alimentaire canadien, ils pourraient montrer l’exemple et favoriser une alimentation locale durable, sobre en carbone13.
En tirant parti du pouvoir d’achat des systèmes de santé pour collaborer avec des organismes comme Nourish, les hôpitaux devraient opter pour des aliments locaux, riches en végétaux, plus sains et plus appropriés sur le plan culturel. Ils pourraient ainsi promouvoir des régimes alimentaires plus sains, réduire leur empreinte carbone de 25 % d’ici 2030, et opérer une transition vers des menus composés d’aliments locaux et riches en végétaux, offrant une bouffée d’air frais aux populations, aux économies locales et à la planète14.
Dynamiser les interventions
Des mesures urgentes sont requises pour s’attaquer à la menace grandissante des changements climatiques, qui n’épargnent personne au Canada. En renforçant la résilience des systèmes de santé, en améliorant les communications sur les conséquences pour la santé des changements climatiques, et en tirant parti du pouvoir d’achat des systèmes de santé pour appuyer les économies alimentaires locales, le Canada peut mieux se préparer aux défis croissants de la crise climatique.
Collaborateurs et collaboratrices
Le concept de ce compte rendu a été élaboré par le Lancet Countdown, l’Association médicale canadienne, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada et l’Association canadienne de santé publique.
Ce document a été rédigé par Sehjal Bhargava, MD, CCMF, Taylor Hodgins Musgrave, M. GDP et Sarah Lowden, M. Mgmt (Association médicale canadienne), Maya Kalogirou, Ph.D., IA, M. DE (Association des infirmières et infirmiers du Canada), Ian Culbert (Association canadienne de santé publique), Courtney Howard, MD, MPP, CCFP-MU, Dakota Norris et Robb Barnes, M.A. ont effectué l’évaluation critique du document et ont formulé des commentaires. Camile Oliveira, MPhil et Elise Digga, M.S.P., ont participé à la révision au nom du Lancet Countdown.
Références
https://www.nature.com/articles/s41591-024-02833-x
https://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_cesd_202204_04_f_44024.html
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26332052/
https://www.afmc.ca/fr/initiatives/planetaryhealthdeclaration/
https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(23)02526-6/fulltext
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2667278223000263
https://www.parl.ca/documentviewer/fr/44-1/projet-loi/C-59/sanction-royal