Main navigation French

Canadian Public Health Association

L'initiative de l'Institut Wellesley à St. James Town (Toronto, Ontario)

Travailler avec la communauté à améliorer la santé des immigrants

St. James Town
ÉcouteÉcoutez en anglais (MP3 : 10:12)

St. James Town est un gros quartier du secteur nord-est du centre-ville de Toronto. Si l'on se tient sur l'avenue Rose, on peut faire un tour complet sur soi-même sans rien voir d'autre que de hauts immeubles d'appartements vétustes séparés par des parcs de stationnement et de petites parcelles de gazon. Le quartier compte 19 de ces tours, serrées sur moins d'un tiers de kilomètre. Officiellement, 15 000 personnes habitent ce quartier. Officieusement, les résidents estiment être plus de 25 000. C'est l'un des endroits les plus pauvres, les plus diversifiés et les plus densément peuplés du Canada. De nombreux nouveaux immigrants s'établissent à St. James Town, attirés par les loyers modiques et l'emplacement pratique du secteur. Chaque jour de l'année, on peut entendre plus de 50 langues dans ce quartier.

« L'effet de la bonne santé des immigrants »

Comme beaucoup de quartiers semblables, St. James Town souffre de « l'effet de la bonne santé des immigrants ». Globalement, la santé des nouveaux arrivants est meilleure que celle des Canadiens moyens. Il existe plusieurs explications à ce phénomène, dont le dépistage systématique des candidats à l'immigration, leur mode de vie sain avant d'immigrer et la tendance voulant que ce soient les personnes en meilleure santé et les plus riches qui immigrent. Mais avec le temps, sur une période de cinq à 10 ans, la santé des immigrants s'aggrave au point où elle devient bien pire que la moyenne.

L'Institut Wellesley de Toronto a étudié ce phénomène en observant comment les déterminants sociaux de la santé (DSS) affectent à long terme la santé et le bien-être des résidents de St. James Town. « Nous essayons vraiment de mieux faire comprendre le rôle des déterminants sociaux dans les politiques et les changements communautaires » dit Bob Gardner, directeur des politiques de l'Institut. « Nous examinons les déterminants sociaux de la santé non seulement comme des facteurs uniques, par exemple le revenu ou l'immigration, mais comme une foule de facteurs sociaux qui interagissent, qui sont liés et qui ont un impact sur une communauté de par la nature et les raisons de leurs liens. Nous voulons comprendre comment ces liens se manifestent ensuite dans certaines communautés. »

La cartographie conceptuelle au service de la définition des priorités et des actions

St. James TownLe volet de recherche du projet a pris cinq ans et impliqué tant les résidents (immigrants et non immigrants) que les services sociaux de St. James Town. Des techniques d'entretien novatrices ont servi à raconter l'histoire de St. James Town et des déterminants sociaux de la santé à l'aide de Photovoice, une méthode de recherche qualitative participative : des chercheurs ont donné aux résidents des appareils-photos jetables pour photographier les choses importantes pour eux et qui, à leur avis, avaient un impact sur leur santé et celle de leur communauté. Cette méthode fait directement participer les résidents à la définition des problèmes actuels et à la recherche de solutions. Dans leurs photos et leurs récits, les résidents ont défini des enjeux comme l'isolement social, la précarité des emplois, l'insalubrité des aliments, l'accès limité aux espaces verts et aux loisirs, la collecte insuffisante des ordures et la dégradation de la sécurité dans leur communauté.

L'un des aspects propres à ce projet était la combinaison de Photovoice et d'une méthode analytique novatrice : la cartographie conceptuelle. Les photographies ont été montrées dans les groupes de discussion communautaires et triées en « cartes conceptuelles » illustrant tous les éléments en lien les uns avec les autres. Dans la cartographie conceptuelle, les participants trient les photos en groupes de thèmes, puis les évaluent selon deux aspects : l'importance relative et les possibilités d'action. En plus d'obtenir une classification concrète des problèmes que vivent les résidents, cela permet d'attacher une cote de priorité à chaque enjeu. L'étape suivante a consisté à rapprocher les idées semblables et à éloigner les idées différentes. De grandes tendances ont émergé pour décrire les liens entre chaque concept, ce qui a aidé à les organiser encore plus précisément pour décider des priorités et des actions possibles.

Soutenir l'attention des gens

Comme dans beaucoup d'études, l'équipe de recherche a eu du mal à soutenir l'attention des participants et à jongler avec la langue, l'horaire et la situation personnelle de chacun. « Tout l'intérêt de l'exercice était de faire participer les résidents, mais ces gens ont souvent deux emplois, ou un emploi précaire et rigide; à la fin de la journée, ils sont épuisés » dit M. Gardner.

Cliquez pour voir une carte plus grande
Cliquez pour voir une carte plus grande St. James
Town

Les barrières linguistiques ont posé un autre problème. Il était bien sûr essentiel d'effectuer la recherche en tamoul, en mandarin ou en anglais, mais on parle bien d'autres langues à St. James Town. Un obstacle courant qui n'a pas posé de problème dans cette étude était le transport. « Les gens sont si densément logés ici qu'ils peuvent faire un saut au centre communautaire ou se rendre facilement à une entrevue dans leur immeuble. Ce n'est pas comme en banlieue, où il faut fournir le transport » dit M. Gardner. L'Institut Wellesley a fait l'effort de faciliter la participation à l'étude. Des services de garde d'enfants ont été offerts, on a fait venir des interprètes, et les participants ont reçu une petite rétribution dans la mesure du possible.

Selon M. Gardner, il était important pour l'Institut Wellesley de tenir la communauté impliquée à chaque étape de l'étude. L'équipe de l'Institut a pris le temps d'établir des liens de confiance avec les résidents et de partager ses résultats avec eux au fur et à mesure. « À chacun de nos rapports, nous avons tenu un grand forum communautaire, souvent à St. James Town même. Nous avons exposé les photos, et les résidents se sont exprimés sur les résultats et sur leur expérience de l'étude, dit-il. Essentiellement, nous avons impliqué la communauté à toutes les étapes, de la définition des questions clés à l'exécution de la recherche et à l'interprétation des résultats, puis pour essayer d'agir en fonction de ces résultats. »

Le projet a rehaussé l'intérêt local pour l'équité en santé, la santé des immigrants et les obstacles à la santé dans les populations défavorisées. Le personnel de l'Institut Wellesley a rédigé diverses synthèses pour compléter la recherche et travaillé avec les résidents et les organismes de la communauté à présenter ces conclusions et leurs répercussions aux décideurs. Des mesures ont été prises pour améliorer la qualité de vie d'après les résultats de recherche; par exemple, la collecte des ordures s'est améliorée.

Le site Web de l'Institut Wellesley explique l'importance des initiatives comme celle de St. James Town : « Les responsables des politiques et les planificateurs de programmes peuvent utiliser ce savoir pour éclairer les changements de politiques et les nouveaux services aux immigrants dans les quartiers à faible revenu, et les résidents peuvent s'en servir pour songer aux actions qu'ils peuvent entreprendre pour faire de leur quartier un meilleur milieu de vie pour eux-mêmes et leurs familles. » (Traduction libre)